Les insecticides sont organisés en classes - organophosphorés, carbamates, pyréthrinoïdes, néonicotinoïdes, etc. - qui partagent une structure chimique et un mode d'action (mode of action) communs. Le mode d’action (MOA) est le processus spécifique par lequel un insecticide tue un insecte ou inhibe sa croissance. Le site d'action cible est l'emplacement exact de l'inhibition au niveau cellulaire, comme le blocage de l'activité d'un enzyme dans une voie métabolique vitale pour la survie.
Le patrimoine génétique des insectes et l'application intensive d'insecticides sont deux facteurs parmi d'autres responsables du développement de la résistance aux insecticides. Les insectes qui sont porteurs de gènes qui leur confèrent une résistance à un insecticide particulier (ou à une classe d'insecticides de composition chimique très voisine) survivent au traitement avec ce type d’insecticide et sont ainsi « sélectionnés » pour transmettre cette résistance à leur descendance et aux générations suivantes.
Parmi les différentes catégories de ravageurs nuisibles aux cultures, les insectes sont susceptibles d’acquérir en peu de générations une résistance à un niveau élevé ce qui les rend insensibles aux traitements avec ces molécules, aux doses maximales autorisées (respectant la LMR) au bout de quelques années d’utilisation du même pesticide. Ainsi, dès les années 2000, plus de 500 espèces d'insectes dans le monde avaient été identifiées formellement comme résistantes à au moins une substance active insecticide, (Vincent et al, 2000). Aujourd’hui, le nombre d’espèces d’insectes résistants aux insecticides dépasse 800 (source IRAC et APRD).
Remarque : l’IRAC (Insecticide Resistance Action Committee) est une instance internationale chargée du recensement des populations résistantes vis-à-vis des substances actives (SA) phytopharmaceutiques et antiparasitaires. Une base de données mondiale est mise à jour en permanence pour l’information sur tous les cas de résistance des arthropodes d’intérêt agronomique, médical ou économique recensés dans le monde. Cette base de données (APRD) est hébergée à l’Université du Michigan aux Etats-Unis et est consultable par tout un chacun.
Une résistance peut se développer à un seul insecticide. Cependant, il est plus courant que les insectes qui présentent une résistance à un insecticide soient résistants (ou développent une résistance plus rapidement) à d'autres insecticides avec le même mode d'action. Un exemple classique est la mouche domestique. Les populations de cet insecte qui sont devenues résistantes au DDT dans les années 1950 ont également montré une résistance, sans exposition préalable, aux insecticides pyréthrinoïdes utilisés des décennies plus tard. Le DDT et les pyréthrinoïdes ont le même MOA. Ce phénomène est connu sous le nom de résistance croisée. Un phénomène étroitement lié, la résistance multiple, se produit dans les populations d'insectes qui résistent à deux ou plusieurs classes d'insecticides avec des modes d'action différents.
Contrairement à la résistance, la tolérance aux insecticides est une tendance naturelle et n'est pas le résultat d'une pression de sélection. Par exemple, les chenilles en fin de stade larvaire sont plus tolérantes aux insecticides que les premiers stades larvaires de la même espèce en raison des différences de taille corporelle, d'épaisseur de la carapace et de la capacité à métaboliser un poison. Ces différences sont identifiées comme une tolérance naturelle plutôt qu'une véritable résistance aux insecticides.
Une sélection ‘accélérée’
La résistance est définie comme un changement dans la sensibilité d'une population de ravageurs à un insecticide, entraînant l'échec d'une application normale de l’insecticide pour lutter contre le ravageur. Une résistance peut se développer lorsque la même substance active insecticide est utilisée successivement à plusieurs reprises. On pense souvent que les ravageurs changent ou mutent pour devenir résistants. Cependant, ce n'est pas le ravageur individuel qui change, mais la population.
Lorsqu'un insecticide est appliqué sur une culture ou un site de traitement (par exemple un stock de céréales), une infime proportion de la population de ravageurs (par exemple, un insecte sur 10 millions) peut survivre à l'exposition à l’insecticide en raison de sa constitution génétique. Lorsque les ravageurs qui survivent se reproduisent, une partie de leur progéniture hérite du caractère génétique (genetic trait) qui confère une résistance à la substance active insecticide. Les quelques insectes ayant ce caractère de résistance ne seront pas affectés la prochaine fois que cet insecticide sera utilisé. Si le même insecticide est appliqué souvent, la proportion d'individus moins sensibles dans la population augmentera.
Lorsque l'applicateur reconnaît que l’insecticide, autrefois très efficace, ne contrôle plus le ravageur à la même dose qu’avant, il peut avoir tendance à utiliser des doses plus élevées. Cependant, il ne peut dépasser la dose maximale autorisée (compatible avec la LMR, la limite maximum de résidus règlementée pour chaque substance active insecticide) et finalement, l’insecticide n’a que peu ou pas d’effet létal à la dose maximale autorisée. On peut alors dire que la population est devenue résistante.
Bien que le(s) facteur(s) génétique(s) qui confère(nt) la résistance puisse(nt) être différent(s) d’un individu résistant à un autre, tous les cas de résistance sont issus de ce « processus de sélection ».
Référence citée :
Vincent C., Panneton B, Fleurat-Lessard F, 2000. La lutte physique en phytoprotection. INRA-Editions, Versailles, 332 p.
Article rédigé par Francis Fleurat-Lessard, consultant Qualité & Sécurité sanitaire en IAA.