Cette article est tiré de la Lettre de Stockage d'Arvalis (n°13, initialement parue en septembre 2020). Copyright © ARVALIS - Institut du végétal 2020.
La conservation des grains en big bags Nox : un procédé physique au service de la protection contre les ravageurs.
La filière céréalière française a affirmé sa volonté de réduire la part de céréales contenant des résidus d’insecticides. Pour autant, les exigences des contrats commerciaux n’ont pas été revues à la baisse et les organismes stockeurs se doivent de fournir une marchandise exempte d’insectes vivants aux clients. Les insecticides de contact doivent donc être progressivement remplacés par des méthodes de lutte alternatives qui ne laissent pas de résidus sur les grains. Parmi elles, on trouve les solutions de lutte physique. Bien qu’encore peu pratiquée, la lutte physique est particulièrement bien adaptée au stockage, l’environnement y étant partiellement contrôlable.
L’hypercapnie: un principe utilisé pour s’affranchir des ravageurs via la conservation des grains en big bag NOX.
Le procédé NOX consiste à conserver les grains en big bags à double couche, qui se veulent hermétiques, et d’y élever la concentration en CO2. Ces big bags forment ainsi une barrière physique empêchant l’entrée de ravageurs depuis l’extérieur. Concernant les insectes se trouvant déjà potentiellement dans les grains conservés de cette façon, ils sont alors soumis à une atmosphère enrichie en CO2 et se trouvent donc en conditions d’hypercapnie (excès de CO2). Or, différentes études ont montré que cet excès de CO2 met en péril la survie des principales espèces déprédatrices des céréales stockées (BANKS et ANNIS, 1990 ; FLEURAT-LESSARD, 1990 ; JAVAS et JEYAMKONDAN, 2002). Les mécanismes biologiques expliquant leur mortalité sont encore méconnus mais il semblerait que l’hypercapnie engendre leur immobilisation et l’ouverture permanente de leurs spiracles (orifices respiratoires présents sur les deux côtés de leur abdomen), ne permettant plus la régulation de leurs pertes en eau. La durée d’exposition létale pour l’insecte varie selon l’espèce, son stade de développement mais également la température du milieu qui régit son activité et sa respiration.
Le stockage en big bag NOX : comment ça marche ?
- La première étape pour stocker ses grains selon le procédé NOX est de déplier le big bag et d’utiliser un souffleur. Il est primordial de gonfler le sac et ainsi tendre le liner interne pour éviter tout pli qui pourrait affecter l’étanchéité du big bag, sous le poids des grains.
- Il est ensuite possible de procéder au remplissage du sac avec les grains, en se positionnant sous une trémie et en maintenant la couche interne du sac pour éviter qu’elle ne glisse. Il faut veiller à ne remplir le sac qu’au 4/5 de sa capacité totale, afin de conserver suffisamment d’espace intérieur pour le CO2.
- Une thermosoudeuse est nécessaire pour souder et fermer hermétiquement les feuillets supérieurs de la paroi interne du sac.
- Un vide partiel est ensuite réalisé en utilisant un aspirateur connecté sur la valve d’aspiration présente en haut de la paroi interne du sac. L’aspiration de l’air intérieur est poursuivie jusqu’à compactage complet du sac.
- L’augmentation de la teneur interne du sac en CO2 intervient alors : une bouteille de CO2 alimentaire et un kit d’injection (fournis à l’achat des big bags) sont assemblés et connectés à la valve du big bag afin de le gonfler en CO2.
- Le big bag rempli est désormais prêt à être stocké en bâtiment, à l’air ambiant. Il n’est pas utile de le stocker en chambre froide, cela ralentirait l’action insecticide du procédé.
Un essai ARVALIS pour tester l’efficacité de cette méthode contre formes adultes et cachées de charançons du riz et capucins des grains
Dans le cadre de cet essai, 9 big bags NOX munis de cages de blé infesté parmi la masse de blé totale ont été constitués, comme présenté précédemment. Lors du remplissage des big bags, des cages comportant 500 g de grain infesté par des formes adultes et larvaires de charançons du riz (Sitophilus oryzae) et de capucins des grains (Rhyzopertha dominica) ont été placées à 3 hauteurs différentes dans la masse de grains, au fil du remplissage. Certaines étaient positionnées dans les premiers centimètres de la masse de grains, d’autres à mi- hauteur et les dernières déposées à la surface du grain en fin de remplissage. Ceci avait pour objectif de vérifier l’homogénéité du traitement au sein d’un big-bag.
En parallèle, 3 conteneurs métalliques témoins non traités ont également été remplis du même blé tendre (variété Sacramento, récolte 2019) dans lequel ont été placées des cages infestées avec les 2 mêmes espèces d’insectes à 3 hauteurs différentes, comme dans les big bags. Nous avions ainsi 3 réplicats (cages infestées) pour chaque modalité de traitement. L’ensemble de ces contenants a été conservé à l’air ambiant dans la Halle Technologique des Céréales d’ARVALIS - Institut du végétal (91), courant septembre 2019. La température moyenne dans les grains était de 18,6 ± 1,5 °C et l’humidité relative moyenne de 53,7 ± 5,3 %, durant l’essai.
Les insectes adultes sont éliminés en seulement 2 jours
Des vidanges complètes et simultanées de 3 big bags sont survenues à 3 dates différentes afin de récupérer les cages infestées logées dans le grain et ainsi observer la mortalité des adultes des 2 espèces ciblées. Un tiers des cages logées dans les conteneurs témoins, pour chacune des 3 hauteurs, ont aussi été récupérées aux mêmes dates de vidange des big bags. Ces dates d’observation sont survenues 2, 7 et 20 jours après conditionnement des blés.
L’augmentation de la teneur en CO2 dans les big bags est venue à bout de 100 % des formes adultes de charançons du riz et de capucins des grains en seulement 2 jours, quel que soit le positionnement des insectes au sein de la masse de grains (figure 1). Le taux de CO2 était donc suffisant en tout point du big bag pour engendrer une mortalité totale des insectes adultes. A l’inverse, une mortalité naturelle faible, de 2 à 3 %, a été observée dans les cages témoins non traitées, validant l’effet insecticide du procédé NOX. Les observations suivantes, réalisées sur les cages infestées provenant des big bags vidangés 7 à 20 jours après leur conditionnement, ont confirmé ces résultats avec là aussi une mortalité totale des adultes chez les deux espèces.
Leur descendance est éradiquée en 1 à 3 semaines
Après évaluation de la mortalité des adultes à chaque date, le contenu des cages a été conservé et placé en incubation (à 25°C et 70 % d’humidité relative) afin d’évaluer l’efficacité du traitement sur l’émergence des formes juvéniles des deux espèces. Au bout des 6 à 8 semaines d’incubation selon l’espèce, la totalité des descendants émergés dans les lots de blé des big bags NOX a été dénombrée et comparée à celle comptabilisée dans les cages témoins.
Concernant les charançons du riz, leur descendance était significativement réduite, de 44 %, dès 2 jours de conditionnement NOX mais il faut attendre 20 jours avant vidange des big bags pour obtenir une désinsectisation totale pour cette espèce (figure 2).
La descendance des capucins des grains est visiblement plus sensible à l’hypercapnie, car une baisse d’émergence de plus de 57 % a été constatée dès 2 jours en big bag NOX et a atteint 100 % en seulement 1 semaine (figure 3).
Le positionnement des insectes dans le big bag n’a pas eu d’effet significatif sur la baisse de descendance engendrée par le traitement, que ce soit pour le charançon du riz ou le capucin des grains. Ces résultats laissent donc penser que la teneur en CO2 est homogène dans tout le big bag, ou du moins qu’elle est suffisamment élevée en tout point pour une désinsectisation à vitesse égale.
Un traitement efficace mais à quel coût ?
Le principal inconvénient de cette solution est son coût. Il est estimé entre 20 et 25 euros la tonne s’il y a réutilisation du big bag 3 fois (la longueur des feuillets de remplissage et de vidange offrent la possibilité d’être soudés plusieurs fois), le coût du CO2 alimentaire étant compris, mais auquel s’ajoutent les frais de matériel pour injecter le gaz et souder les big bags (en location éventuellement) et le temps de main d’œuvre. Ceci destine donc principalement cette méthode de lutte pour des denrées agricoles à plus forte valeur ajoutée que le blé tendre, ou bien pour honorer des contrats spécifiques davantage rémunérateurs pour les stockeurs.
A noter que le stockage Nox rapporte 0,72 crédits CEPP par big bag.
Les big bags Nox se révèlent être une alternative intéressante, pour une utilisation préventive ou curative contre les ravageurs des grains stockés.
Références bibliographiques
BANKS H.J., ANNIS P.P., 1980. Conversion of existing grain storage structures for modified atmosphere use. In : Shejbal L. (Eds) Controlled atmposphere storage of grains. Elsevier Scientific Publishing Company, Amsterdam.
FLEURAT-LESSARD, F., 1990. Effect of modified atmospheres on insect and mites infesting stored products. In: Food Preservation by Modified Atmospheres. Calderon, M., Barkai-Golan, R. (Eds), CRC press, Inc., Boca Raton.
JAYAS D.S., JEYAMKONDAN S., 2002. Modified Atmosphere Storage of Grains Meats Fruits and Vegetables. Biosystems Engineering (2002) 82 (3), 235–251.
Article rédigé par Marine CABACOS.
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