Extrait tiré de la synthèse de Patrick J. Collins, chercheur senior à Agri-Science Queensland, Department (ministère) of Agriculture and Fisheries.
Etat de la résistance aux insecticides de contact chez les insectes du grain stocké en Australie.
Une gamme limitée d’insecticides est homologuée et disponible pour la protection des grains seulement en Australie Orientale (New South Wales, South Australia, Queensland, Victoria).
Note : Les insecticides classiques ne sont pas autorisés en Australie Occidentale (côté Perth) qui a tout « misé » sur le stockage en silo hermétique (propice à la fumigation ou à l’inertage au dioxyde de carbone, indifféremment), excepté dans des cas particuliers par la compagnie de manutention et de transport vers l’export (Bulk Handling Authorities).
Le premier insecticide « de contact » autorisé a été le malathion, qui a commencé à être largement utilisé vers le milieu des années 1960-1970 pour assurer l’objectif fixé par le gouvernement australien d’absence d’insectes dans le blé destiné à l’export, condition sine qua none de conservation des marchés à l’international.
Cependant, dès le début des années 1970, la résistance au malathion chez Tribolium castaneum (le tribolium des grains) et Rhyzopertha dominica (le capucin des grains) a commencé à poser un sérieux problème (Bengston, 1981). En conséquence, vers la fin des années 1970 le malathion a dû être remplacé par trois autres organo-phosphorés (OP = de la même famille chimique que le malathion) : le pyrimiphos-methyl, le chlorpyrifos-methyl et le fenitrothion.
Ces insecticides étaient à l’origine efficaces contre la majorité des espèces nuisibles, excepté le capucin des grains, R. dominica. Pour avoir une efficacité complète contre le capucin, les OP nécessitaient d’être associés à un pyréthrinoïde, la bioresméthrine. A cette époque, la protection efficace contre les insectes des grains stockés nécessitait l’association d’au moins deux substances actives à mode d’action différent, dans la plupart des régions productrices de céréales en Australie.
La résistance au fenitrothion et au pyrimiphos-methyl a été détectée au début des années 1980 chez le silvain, Oryzaephilus surinamensis (Collins and Wilson, 1987). Mais, le chlorpyrifos-méthyl est resté efficace quelques années encore avant que la résistance n’émerge aussi. La résistance à la bioresméthrine chez le capucin des grains, R. dominica a été identifiée pour la première fois en 1990 (Collins et al., 1993) et la fréquence des souches résistantes n’a cessé d’augmenter jusqu’au retrait de ce pyréthrinoïde de la liste des substances actives autorisées sur le grain, surtout à cause de l’absence de limite maximum de résidus (LMR) dans la législation phytosanitaire de certains pays importateurs des céréales australiennes.
La résistance aux pyréthrinoïdes a également été détectée chez le tribolium des grains, T. castaneum (Collins, 1990). En 1994, pour remplacer la bioresméthrine dans les associations de substances actives pour une lutte efficace contre le capucin, R. dominica, un analogue de l’hormone juvénile des insectes, le méthoprène a été homologué. Cette molécule avait l’avantage d’être efficace aussi contre le tribolium et le silvain, T. castaneum et O. surinamensis. Cependant, la résistance au méthoprène a été détectée après seulement deux années d’utilisation (Collins, 1998), et la fréquence de la résistance n’a cessé d’augmenter ensuite et elle apparait maintenant bien implantée dans toute l’Australie Orientale (Daglish et al, 2013).
La résistance aux pyréthrinoïdes est très répandue chez le charançon du riz, S. oryzae, qui peut être la conséquence de l’utilisation de traitement des semences avec un enrobage à base de pyréthrinoïde (deltaméthrine).
Le spinosad, un bio-insecticide, a été homologué en 2013 pour la lutte contre le capucin, R. dominica ; son efficacité est limitée contre les autres espèces.
Parmi les insecticides applicables sur les grains stockés actuellement autorisés, les organo-phosphorés : pirimiphos-méthyl, chlorpyrifos-méthyl et fénitrothion, ont conservé une efficacité contre les souches sensibles de tribolium, T. castaneum, charançon, S. oryzae et petit silvain plat, Cryptolestes ferrugineus (considéré en France comme un insecte des moulins et des industries de première transformation des céréales).
Le méthoprène est efficace contre les souches de silvain, O. surinamensis, résistantes aux OP et aussi, contre le petit silvain plat, C. ferrugineus.
Le pyréthrinoïde deltaméthrine, synergisé au PBO (butoxyde de piperonyle) est efficace contre toutes les espèces nuisibles, excepté le charançon du riz, S. oryzae (avec le danger d’émergence d’une résistance chez tribolium, T. castaneum et chez le capucin, R. dominica car elle existe déjà dans d’autres pays (Lorini et al, 2007)).
Le Spinosad est efficace seulement contre le capucin des grains, R. dominica.
Etat de la résistance à la phosphine chez les insectes du grain stocké en Australie.
La résistance à la phosphine a été détectée chez toutes les espèces majeures d’insectes de grains stockés. C’est-à-dire : le capucin des grains, Rhyzopertha dominica, le charançon du riz, Sitophilus oryzae, le silvain, Oryzaephilus surinamensis, le tribolium roux, Tribolium castaneum et le petit silvain plat, Cryptolestes ferrugineus.
Les études spatio-temporelles sur la dispersion des souches résistantes ont démontré que la dispersion par le vol est un facteur important de dissémination pour beaucoup d’espèces et en particulier : T. castaneum and R. dominica (Ridley et al., 2011, 2016 ; Daglish et al., 2017).
Chez tous les phénotypes résistants, deux types différents de résistance peuvent être identifiés : phénotype à résistance faible (weak-resistant) ou phénotype fortement résistant (strong-resistant). La résistance dite “faible” correspond à la mutation d’un seul gène majeur (r1), tandis que la forte résistance correspond à deux gènes associés (r1 + r2). La résistance ne s’exprime que chez les individus homozygotes pour les gènes de faible ou forte résistance. La forte résistance a été initialement détectée chez le capucin, R. dominica (en 1997), suivie par le silvain, O. surinamensis et le tribolium, T. castaneum.
La résistance chez R. dominica était très élevée, mais la recherche a montré que la souche fortement résistante pouvait être éradiquée par une fumigation dans les « règles de l’art » en appliquant l’intégralité des bonnes pratiques et le contrôle continu de la concentration de phosphine à l’intérieur d’enceintes de fumigation particulièrement étanches. L’étanchement des silos selon la norme australienne (Australian Standard) AS-2628 a été un facteur déterminant de la destruction des souches identifiées comme résistantes.
Des modifications du protocole Standard (période d’exposition x concentration) ont été nécessaires pour l’éradication complète des insectes résistants, en utilisant la phosphine formulée dans du CO2 en bouteilles sous pression (Collins et al., 2005). La résistance à la phosphine a été plus récemment détectée chez le charançon, S. oryzae, et le petit silvain plat, C. ferrugineus, avec des niveaux de résistance supérieurs à ceux observés chez R. dominica.
En particulier, la résistance chez C. ferrugineus est la plus élevée de toutes les espèces, ce qui remet en question l’utilisation de la phosphine sous les deux conditionnements utilisés en Australie : les générateurs solides ou la formulation en bouteilles pressurisées. L’éradication des souches résistantes nécessite des fumigations plus longues et des concentrations plus élevées que dans la pratique courante.
Les fortes résistances à la phosphine ont été majoritairement détectées en Australie de l’Est et seulement de façon sporadique en Australie de l’Ouest. En Australie de l’Est, les fortes résistances touchent 7 à 10% des populations d’insectes des grains stockés.
Références bibliographiques
Bengston, M. 1981. Recent developments in grain protectants. In: Williams, P., Amos, T.G. (Eds.), First Australian Stored Grain Pest Control Conference, 18-22 May 1981, Melbourne, Australia, pp. 7–1 – 7- 3.
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Collins, P.J., Daglish, G.J., Pavic, H. and Kopittke, R.A., 2005. Response of mixed-age cultures of phosphine-resistant and susceptible strains of lesser grain borer, Rhyzopertha dominica, to phosphine at a range of concentrations and exposure periods. Journal of Stored Products Research 41, 373-385.
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Daglish, G.J., Ridley, A.W., Reid, R., Walter, G.H., 2017. Testing the consistency of spatio-temporal patterns of flight activity in the stored grain beetles Tribolium castaneum (Herbst) and Rhyzopertha dominica (F.) Journal of Stored Products Research 72, 68-74.
Lorini, I., Collins, P. J., Daglish, G. J., Nayak M. K., Pavic H., 2007. Detection and characterisation of strong resistance to phosphine in Brazilian Rhyzopertha dominica (F.) (Coleoptera: Bostrychidae). Pest Management Science 63, 358-364.
Ridley, A.W., Hereward, J.P., Daglish, G.J., Collins, P.J., Raghu, S. and Walter, G.H., 2011. The spatiotemporal dynamics of Tribolium castaneum (Herbst): adult flight and gene flow. Molecular Ecology 20, 1635-1646.
Ridley, A.W., Hereward, J.P., Daglish, G.J., Raghu, S. McCulloch, G.A., Walter, G.H., 2016. Flight of Rhyzopertha dominica (Coleoptera: Bostrichidae) – a spatio-temporal analysis with pheromone trapping and population genetics. Journal of Economic Entomology 109, 2561-2571.